1214. Coquin
Je me suis fait un nouvel ami. L’éditeur de la maison Christophe-Lucquin m’écrit. Enfin, écrit. Il ne semble pas avoir encore trouvé ni mon mail ni mon numéro de téléphone (cherche, petit mulet). Il m’écrit par personne interposée. C’est au rebond que je le lis. Sa prose m’a semblé mériter un public. En voici un extrait :
« (…) Votre éditeur a beaucoup d’amertume dans la bouche. Je le comprends, l’édition, c’est dur. Mais cela n’excuse en rien ce qu’il a écrit sur Christophe Lucquin Éditeur. Je sais aujourd’hui qu’une pseudo maison dont les livres ressemblent à une notice d’emploi de Freebox existe, mais pour moi elle s’appelle Les doigts dans le cul. (…) »
Les doigts dans le cul, nous y avions pensé pour une collection de textes pédagogiques. Il me semble aujourd’hui que les doigts dans le lucquin, les doigts et toute la main, seraient aussi appropriés. Du premier au second, la filiation est avérée. De l’audace. Du piquant. De la littérature.
Je ne connais guère les éditions Christophe-Lucquin. Je me rappelle six mètres linéaires au salon de l’Autre livre, la rigolade, en novembre 2013, derrière lesquels une flopée de stagiaires (ou bien des figurants payés) habillés de tee-shirts à l’effigie de sa maison distribuaient des sacs frappés au même logo.
Joli logo d’ailleurs (le graphiste mange à sa faim).
Rien de bien grave. J’ai senti la démarche militante, petite maison dans la pairie, et le louable souci de vendre des sacs, des tee-shirts et des livres. Sinon, rien. En les ouvrant un jour en librairie, pour voir dedans, figurez-vous que j’ai trouvé la même tambouille : les livres sont imprimés en Bulgarie. Pas de quoi se doigter. En effet. D’autres collègues s’y mettent. Ça fait 200 € par mois pour l’ouvrier bulgare. Là encore, je comprends l’éditeur militant sacrifiant ses principes à la littérature. Il boira finalement la sueur d’autrui. J’en ai déduit qu’il s’agissait de livres indispensables, reliés sans fil pour défier l’avenir. J’ai signalé le fait ici.
Rien d’autre. Rien de grave.
Je les lirai un jour. Les phrases mortes grappillées dans ses livres sont la promesse de billets à n’en plus finir.