1326. Maternage littéraire
En réalité, la critique littéraire qui fourgue du yaourt à ses lecteurs est simple à repérer. Faites une demande de stage à Radio France. Lisez ou écoutez Julie Clarini s’enthousiasmant le 8 mai pour la masturbation dans une chronique du Monde des livres, ou ce matin sur France Musique, salivant aux amours gays d’un journaliste de retour de Munich (nous sommes en 1972, il a mis du temps à revenir).
La question littéraire est vite clarifiée : la critique se limite au résumé du roman à nouveau raconté. La littérature et le romanesque sont réduits au parcours d’une vie à laquelle le lecteur épuisé par des journées à lire ses mails et cliquer sur facebook peut se ressourcer – Vivre (la sodomie enfin), Munich (moi encore), haleter au drame simplifié du monde (Israéliens, Palestiniens), rompre avec sa famille (j’ai enterré ma fille : elle était morte), et puis rejoindre le fil Twitter des préoccupations contemporaines (la barbe est sous le voile. Je répète). De la pure romance pour quadras défraîchis auxquels la couverture Gallimard sert de masque exfoliant (Sam, tu piques).
L’homme cultivé mange sa soupe. Elle a bon goût (vas-y, goûte toi aussi) :
« Cela fera bientôt onze ans que notre fille est morte, mais je crois qu’elle aurait aimé mon idée, qu’elle aurait été fière de moi. Cette pensée en a amené une autre, j’ai allumé mon ordinateur et j’ai su alors que je devais écrire le récit de ces journées au gré de ma mémoire, en oubliant la chronologie officielle. Pour honorer ces onze athlètes dont on n’ose même pas rappeler les noms publiquement par peur de gâcher la fête ; mais aussi pour ramener à la lumière un homme dont je n’ai jamais parlé à personne, un homme qui a disparu avec les onze cercueils aussi sûrement que s’il avait été tué lui aussi sur le tarmac de Fürstenfeldbruck. Cet homme s’appelait Sam Cole. »
Jean Mattern, Septembre, Gallimard, coll. Blanche, 144 p.