620.
4 déc. [1952] Visite de Madame H[élène] Bessette. Elle a un peu l’air d’un rat, toute petite, pauvrement vêtue, un bonnet blanc de laine sur la
tête. Je lui fais raconter sa vie.
(…)
Je lui demande si elle se rend compte de ce que ses écrits ont de « différent ».
« Je ne sais pas si ce que j’écris ne ressemble pas à ce qu’écrivent les autres, mais “parfois”, quand je dis q[uel]que chose, les gens sont très surpris. »
Elle signe son contrat.
Après, brusquement : « Qu’est-ce que c’est que le surréalisme ? (…) »
Je lui fais un petit cours sur l’écriture automatique, l’expérience poétique, etc. « Je ne suis pas encore là. »
Heureusement. Je lui dis que ce qu’elle fait est au-delà du surréalisme. J’ajoute : mais n’avez-vous jamais lu des poèmes d’Éluard ?
« Si, si. J’ai vu ses livres, je les ai feuilletés. Je feuillette plutôt que je ne lis. » (Un temps. Puis d’un ton très « conversation » 🙂 « On a beaucoup
parlé d’Éluard ces temps-ci. »
– Oui, il est mort.
Fou rire.
Raymond Queneau, Journaux 1914-1965, Gallimard, 1996, p. 794.