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Je suis Jeannot. Et je suis Paule. Je suis l’enfant du sillon, né dans la terre, tué dans le désert. Je suis le fusil, lourd au creux de mon bras. Je suis Alexandre suçant les mamelles pourries de ma mère et crachant le venin par terre. Je suis le gardien de la ferme, l’héritier, le fils, l’homme, le soldat, l’amant. Je suis leur prisonnier. Plus aucune porte n’est droite, plus aucune marche, aucune poutre, aucun mur. Seul le crucifix sur le mur cloqué. Je suis la croix. Deux traits sur le mur. J’entends les rumeurs, l’antenne envoie ses mauvaises ondes sur moi et sur la ferme, elle brouille mes idées, elle me provoque. Je sais qu’ils sont cachés autour de moi. Ils m’ont attendu, d’autres m’ont suivi jusqu’ici. Ils veulent notre peau. Mère ne l’a jamais dit. Je suis innocent.

 

Perrine Le Querrec, Le Plancher, à paraître en mars 2013 aux Doigts dans la prose.