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Nous aurions tort de prendre trop à cœur la responsabilité des libraires dans le désastre des livres, d’ailleurs très relatif (Jean-Rolin se vend bien).
Quoi qu’il en coûte, il faut l’admettre par la gorge. Les auteurs invendables doivent prendre une part pleine et entière à la faillite de maints gentils petits
éditeurs.
Dindon de ce marché où le bon sens recommanderait Jean-Rolin plutôt qu’ – un reste de prudence –, l’éditeur est d’emblée excusé. Il ne prendra aucune part
au débat.
Mais l’auteur ? Le simulateur des ventes, le surnuméraire des salons de province, l’obstiné des presses locales, l’expert des plateaux télé, toujours du mauvais
côté, le prétendant aux à-valoir vite avalés, l’avorté de la gloire immédiate, le recalé à vie ?
L’incompétence narrative est chez lui sans limites ; le déni du lecteur, un principe moral.
Honte à l’écrivain dont le pilon est le plus grand succès.
Je viens de feuilleter dans un supermarché la pâte des derniers livres d’Harlan Coben et de Douglas Kennedy, dont les libraires me disent qu’ils sont des maîtres
dans leur genre.
De quel genre s’agit-il ? Confondent-ils le maître et l’enseigne ? Quelle gueule ont les lecteurs d’étrons si mal poussés ? à moitié sortis ? Quel plaisir à
s’en saturer l’œil ? les doigts ?
Je relève le nez et vois ma gueule dans le rayon supermarché de ma librairie.
L’élitisme a bien tenté de sauver les masses en tirant la chasse, mais très mal. La porcelaine est imbibée.