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En réalité, c’est très simple. Quand les mauvais sentiments sont signés Céline (ce radoteur de l’art roman), la critique applaudit. Quand ils sont signés Nabe (ce
recalé de la critique), la voilà qui s’indigne. Quand les mauvais sentiments sont signés Cioran, la critique applaudit. Quand ils sont signés – poursuivez, vous avez compris le principe.
Car seul le talent compte, c’est entendu.

 

Vivement les textes antisémites de Céline et Cioran sur papier brun bible qu’on puisse juger intégralement d’une pensée forte et d’un style herbeux. Car le talent
ne saurait être à ce point sélectif.

 

Regrettons que les ayants droit de Céline s’opposent à la publication des pamphlets antisémites, nous condamnant à une lecture lacunaire de l’œuvre.

 

Il est de même dommage que l’ouvrage roumain de Cioran, Transfiguration de la Roumanie (1936), dont le chapitre IV brosse le portrait convaincant d’un
antisémite désespéré, ne soit pas présenté au sommaire de la brune pléiade.

 

Se trouve ainsi vérifiée la thèse selon laquelle les mauvais sentiments font aussi de la bonne littérature expurgée.

 

(Pour aller plus loin et lire quelques extraits inventifs de Cioran antisémite, à moins d’en rester las et lasse, je vous recommande le livre passionnément partial
d’Alexandra Laignel-Lavastine, Cioran, Eliade, Ionesco. L’oubli du fascisme, PUF, 2002 + les articles et livres de Pierre-Yves Boissau. Il reste aussi la lecture dans sa langue originale
du plus facétieux des écrivains roumains français – chapitre IV.)