Claro
L’incompétence des traducteurs se reconnaît à la traduction même : le texte original y est toujours méconnaissable. Les éditions bilingues proposent au moins une illusion d’optique (en louchant vers la page de gauche).
Inutile de jouer la comédie du vraisemblable. Les effets de réel sont mieux réussis quand l’écrivain tire du réel ses personnages. Prenons Éric-Pessan par exemple (ou Claro). Dirait-on pas qu’ils vivent ?
Plus criant de vérité que la vérité même.
Le même est l’ennemi du semblable.
Tout grand roman relève du genre policier. Mais là au moins, l’énigme de son agencement reste entière.
Nous aurons beaucoup fait pour disqualifier les romans réalistes d’aujourd’hui et leurs personnages en proie à des problèmes existentiels toujours plus ressemblants aux nôtres, sans comprendre que ce romanesque pour lecteur perroquet ne prétend pas dire autre chose que ce qu’il dit. Nous avons perdu beaucoup de temps et d’énergie à ignorer ce principe. C’est l’histoire d’un homme qui. Rien d’autre.
(Eh, les gars ! J’exige un procès littéraire !)
Les critiques littéraires poussent rarement l’audace du côté de la virulence. Il n’y a guère que Chevillard pour abattre des Nobel en plein vol et Claro pour l’imiter sur des pigeons d’argile. (De son côté, Marsac préfère les épouvantails à Moixneau.)
C’est l’un des signes du dynamisme de la littérature d’aujourd’hui. La critique littéraire digère son capital de nuisance symbolique. Elle regarde passer le train des choses. Tout est bon dans la vache et son meuglement. Tout est bon à contempler à travers la vitre du compartiment.
Certes, la virulence n’est pas le signe d’une acuité de jugement. Mais il en est du jugement comme de la syntaxe : à trop tourner autour du pot, on finit par ne plus rien comprendre aux raisons qui nous font faire pipi dans notre culotte.
Immanquablement.
Je me demande parfois si l’écrivain ne se tape pas en douce son personnage, une aguichante radasse en silicone alimentaire.
La vie est douce et mes amis facebook me manquent.