Critiques enlevés
David Marsac vient d’acquérir un exemplaire original de La Princesse de Clèves étrangement signé Georges Pompidou qu’il compte remettre à David Marsac en personne à l’occasion d’une cérémonie officielle à laquelle quelques intimes triés sur le violet parmi les gens d’église seront conviés : Monseigneur Éric Dussert, l’Archevêque Pierre Assouline et le Pape Pot de Rillettes (frère Ézine s’est décommandé à la dernière minute).
Vêtus de tweed, rasés de près, chaussures cirées + la promesse d’un café Lavazza à l’arrivée, notre comité de lecture n’a eu aucune difficulté à enlever Pierre Assouline, ligoté bâillonné de plein gré, puis emmené dans une propriété secrète au cœur de la cité mancelle. Il a rejoint Éric Dussert, dont les chants dodécaphoniques en langue bretonne laissent entrevoir la possibilité d’une récession prochaine.
Derrière sa tasse, soufflant sur le café fumant, pupilles ravies du chaud breuvage, Pierre Assouline promet tout ce que l’on voudra : la promotion de nos ouvrages par la Princesse de Clèves, une première page dans les colonnes du Monde, un éloge enthousiaste signé Murray, voire une nécrologie gratuite.
– Mais laissez-moi me pourlécher, prendre le temps de liquider ce breuvage merveilleux, proustien, joycien, jamesien, bergsonien – hum… Et tremper dedans mes tartines.
– Nous tenons notre article, se dit Marsac, cafetière et pot de rillettes en mains.
Malgré les trous percés dans le carton, impossible d’y faire entrer le critique. Jean-Louis Ézine ne voulait rien entendre à son destin de mouton. Notre comité de lecture dut se résoudre à gommer le récalcitrant et à ne conserver que la boîte en carton.
– Écris-moi un article, dit au carton David Marsac, que les caprices de la critique ne troublaient pas.