Divers
Touché par la grâce, le petit éditeur s’était converti à l’énigme de la douceur. Et c’était des sourires, des mots tendres, des bouches en cœur, des yeux
écarquillés, des cils surtout, longs et soyeux, rimmel à peine (si peu), et derechef des sourires dont on voyait les dents, des paroles comme de la buée, des embrassades, des amitiés
sempiternelles – ses lecteurs écœurés résiliaient leur abonnement, signalaient un abus au fournisseur d’accès, demandaient du fouet ! du fouet ! du fouet !
– Et les cris qui vont avec !
Dans les journaux, bain d’huile, les critiques reconquis n’avaient d’articles que pour lui, tant est sensible au cœur la simplicité vraie de cet homme enchanteur
dont les livres aux couleurs sucrées leur inspiraient le plus doux des élans printaniers.
Et sur les ondes, sa baignoire remontait les contre-courants – proue au ciel, quille dans le parquet, semant des livres aux quatre vents
– et coins de sa salle de bain.
J’ai eu moi aussi un moment de passage avide, où je croyais que les écrivains de mon époque me boudaient, ne m’aimaient pas, m’abandonnaient à mon seul ressort,
Marsac in the box, devant le thorax d’un livre ouvert, mais il n’en était rien en vérité, et je me vois aujourd’hui choyé par mes amis Claro, Cadiot, Coudray, Chevillard, Candshin, par
leur douceur pelucheuse, Made in Farghestan, et on est bien heureux ensemble, feu de camp, feu de bois et pommes en robe des champs.
Vous ne me croyez pas ?
Vous avez eu vous aussi un moment de passage avide où vous pensiez que je ne vous aimais pas ?
Çà…çà… Je suis là maintenant.
Mon pessimisme n’a rien de beckettien. Plutôt jankéléviedechien.
Et partisan des béni-ouais-ouais.
Avez-vous lu Queneau losophe de Jean-Pierre Martin ?
Moi, ça m’a fait du bien.