Divers
Bientôt 300 000 exemplaires vendus !
David Marsac imaginait enfin la vie heureuse de ses auteurs, au Ritz, à l’heure apéritive où l’imagination est vive, en compagnie de Bernard-Henri, Michel et Marcel
Proust.
Ce dernier, on ne savait pourquoi, avait eu des difficultés à se faire un prénom dans le milieu littéraire.
– Les grands auteurs sont tous de grands mondains, précisa le petit éditeur devant une assemblée d’intimes, ministres et académiciens, venus siffler les bulles de
ses succès futurs.
David Marsac comprit très vite qu’il lui serait difficile de maintenir longtemps le grand écart entre la littérature et la vie, un doigt vers la poignée de la
porte, l’autre sur le clavier de son ordinateur.
– Et déjà cinq heures ! se désespérait le contorsionniste.
D’un bond décidé à travers le miroir de sa salle de bain, David Marsac, au choix :
- se retrouva dehors sous un soleil clément.
- se fracassa le crâne contre le mur humide.
- sortit d’un rêve tout raturé.
L’œuvre de Kafka, qui laissa son père se coucher sur lui, aurait-elle pris un autre cours s’il avait connu le divan de Freud, au lieu d’aller mourir à la périphérie
de Vienne ?
Il m’arrive, dans le miroir, de songer à la tête réjouie de Grégoire Samsa au sortir de chez son psychanalyste.
Puis de relire L’anamorphose.
Rabelais, Cervantès, Shakespeare ont fait entrer la littérature dans la vie ; Dostoïevski, Proust, Kafka, la vie dans la littérature. Et vice-versa.
– Comme deux gants repliés l’un dans l’autre, chantait David Marsac, bras écartés sur l’arête du trottoir.
[Exit Freud.]