Divers

961.

Les livres qui embarquent promptement le lecteur font œuvre de salut public. Aux oubliettes ! (Qu’on en finisse avec ses diktats.)

 

– Un vrai roman ! Écrivez donc un vrai roman ! tonnait-il, coude appuyé sur le chambranle de la cheminée ? la lunette des wc ? la corne du chausse-pied
?

960.

Je doute que nous puissions désosser le lecteur aussi facilement qu’un poulet du dimanche, un bras, une jambe : essayons tout de même.

 

J’assistais l’autre jour à un échange dont seules les librairies indépendantes gardent l’exclusivité. Une adolescente raisonnable interroge la libraire sur un
cadeau possible pour sa copine. « Marc Levy ? Sinon, il nous reste du
Guillaume Musso. » Réponse distraite,
sans même lever la tête. C’était une femme comme ça, chétive, sans plus, affligée de lunettes et d’un petit gilet, qui rempilait des tas. J’aurais pu en venir à bout d’un coup sournois dans les
genoux, avant de piétiner les restes de la très-amochée qui avait cru vainement pouvoir trouver refuge derrière les piles des nouveautés – mais rien. Je n’ai rien fait, si peu, continuant à
renifler le dernier livre de Nicolas Pesquès, l’air d’un qui flâne. Pas trop de risque qu’on me le fauche. Le faire mettre de côté ?

 

Le roman s’est à ce point fondu dans le flux de nos existences qu’il n’est plus de roman sans la vie des lecteurs qui enfin s’autolysent.

 

La liberté des goûts, je suis pour, à la condition d’être et le sucre et le sel de vos choix.

 

(Où donc est passée la libraire ?)

959.

Je rêve d’une phrase qui lancerait le lecteur dans deux sens opposés le déchirant par le milieu en plein élan.