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(Re)découvrant Ewa Lipska, autrefois lue en parallèle avec Wislawa Szymborska, une vérité, un peu pataude, s’est imposée à moi : l’épure n’a rien de minimale ;
l’abstraction ne désincarne pas la langue.
Je voudrais vivre Ailleurs.
Dans de petites villes brodées à la main.
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Le détail pittoresque échappe à la réalité, s’abstrait de sa dentelle, dont il s’écharpe pourtant, à la lettre, en s’enveloppant d’une gaze – de mots, dont la
délicatesse doit tout au langage, rien au monde.
Les écriveurs minimalistes, fortement surcotés en France ces temps-ci, sont au contraire tendus vers un seul but : saisir la vie à même la réalité ; se répéter dans
son vide.
*
L[eur] poésie porte une étiquette
Avec les instructions de lavage
(67)
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Il n’y a pas de poète.
Il n’y a qu’un moment d’inattention.
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Ewa Lipska, Moi Ailleurs L´Écharde, Éditions Grèges,
2008
Que le verbe se cabre ! Que le lecteur tombe !
Traîné sur la longueur du livre par la cheville en marque-page.
Lambeaux lecteur, squelette à vif, langue en bavoir.
(Ça lui apprendra à mieux choisir ses livres.)
Il existe d’ailleurs de très bons chariots (fardiers, haquets, tombereaux), très bonnes carrioles (brouettes, bannes, charrettes à bras), sans parler de maylis de
kerangal, pour s’émouvoir en toute sécurité.
(Ne nous arrêtons pas à nos priorités : d’autres noms sont possibles, moins exotiques mais bons à charrier.)