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Il est temps de prendre le train des grandes orientations de la littérature en marche, changement de cap, virage à angle mort, nous renonçons à publier des
écrivains sans valeur calorique, inconnus des lecteurs et des véliplanchistes, nous allons publier un inédit de la période bohème d’Henry Bordeaux, expérience éthylique à l’eau d’Évian ; les
fulgurances métronomiques de Pierre Benoit et des poètes contemporains dont l’envergure bras écartés atteint au moins trois mètres cinquante, poètes soignés et sidérants, la différence est mince,
avec intermittences du génie sponsorisées par Pôle emploi.
+ des romans existentiels pour vomir sans les doigts.
C’est une idée envisageable, nous allons nous y atteler, les machines aujourd’hui pratiquent l’impression linéaire, les rouleaux de tissu remplaceront les rames de
papier, les romans transformés en tabliers scolaires (pour la famille au grand complet), essais des pulls à col roulé, pyjamas psychanalytiques, caraco à rimes croisées (ca /ra/ co), tee-shirts
manches libres, haires philosophiques, impers classiques sur lesquels le temps glisse, zip des nouvelles-éclair, chaussettes pornographiques (« Ne tombent jamais ! »), pantalons de
velours policier, robes de chambre aux revers dramatiques, soutiens-gorge pour les fêtes mammaires (fer à repasser offert), moufles pamphlets – strings haïkus ? – doublures testimoniales,
mouchoirs jetables avec l’intrigue, expé boutons de manchettes, ceintures de cuir autofictionnel, drames de plage avant noyade + la passementerie habituelle de la littérature papier. À lire
réciprochement dans les transports bondés.
– Notre fortune est faite, nous changeons de support, se dit le petit éditeur. Le livre textile vient d’arriver dans les boutiques de fringues et les
supermarchés.
Il nous semble qu’il y a peu d’œuvres où le langage soit aussi simplement et aussi directement mis en cause, où il frise d’aussi près la catastrophe pour enfin se
sauver par la raison même qui provoquait sa ruine. Rien de plus rapide, de plus décisif que ce drame ironique des mots. Enchantée par la cadence, la langue se défait, perd le sens par lequel elle
s’unissait à la durée, perd les moyens de son pouvoir, abandonne ses ressorts syntaxiques, n’est qu’un vacarme de pièces déréglées qui ne s’enchaînent plus et qui tombent. Mais, sous la même
influence stupéfiante, de ces débris de mots renaissent un autre langage et une autre composition.
– C’était avant la tendance blanc sur blanc de Blanchot, se dit le petit éditeur qui en avait soupé des grandes œuvres et des grands écrivains. Mais allez tout de
même voir de près de qui il est question dans ce moment d’enchantement critique (Faux pas (1943), Gallimard, 2001, p.162). Peut-être serez-vous surpris.
(Pas besoin de guillemets. J’allais le dire.)