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Pour rendre efficace la critique auprès du grand public que le critique prétend sauver des livres factices et inutiles, il faudrait que les critiques factices et
inutiles, que lit le grand public, en disent eux-mêmes le plus grand mal. Faute de quoi, on s’excite dans les périphéries déjà acquises à la littérature sans rien changer sur les podiums de la
rentrée.
À croire – poussant un peu – que l’excitation est le motif réel de ces guerres quasi intestinales.
Quel lectorat Pierre Jourde a-t-il touché ? Le Combattant Majeur est-il moins omnipotent ?
L’écrit ne change rien ni personne à grande échelle, sauf exception rare : « J’accuse », et encore – voir quarante ans plus tard.
Cela dit : quels rires ! mais les paires de claques sont elles aussi factices.
Nous sommes condamnés à ne pas nous entendre et la critique est un dialogue de sourds.
Un livre est moins un miroir qu’un écran de projection. De là nos accès d’humeur, risibles et nécessaires, à propos de livres anodins, inutiles de notre aveu même,
au nom du goût, de la langue, de la culture, du monde à préserver. Notre besoin d’expansion est inconsolable, et ce nez de travers est une insulte aux nez droits.
Je ne m’explique pas autrement nos querelles de rentrée et, pour ma part, l’érosion accélérée de livres que je croyais immuables, l’assèchement des fleuves qui
naguère m’emportaient.
(Les succès de la littérature populaire sont de toutes les époques, qu’elle s’incarne dans Emmanuel Carrère ou Jean Rolin. On ne va pas se frapper pour si peu. Sauf
à aimer ça.)
Le monolithe préfère la planche de surf, la vague le noyé.
Il découvrit un homme couché en travers de la page. Hésita.
– J’ai acquis en lisant une connaissance approfondie de la typographie et du grammage des papiers, conclut le petit éditeur.
Puis il ouvrit un livre et s’y coucha.