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David Marsac comprit très vite qu’il lui serait difficile de maintenir longtemps le grand écart entre la littérature et la vie, un doigt vers la poignée de la
porte, l’autre sur le clavier de son ordinateur.
– Et déjà cinq heures ! se désespérait le contorsionniste.
D’un bond décidé à travers le miroir de sa salle de bain, David Marsac, au choix :
- se retrouva dehors sous un soleil clément.
- se fracassa le crâne contre le mur humide.
- sortit d’un rêve tout raturé.
– Sarbacane ! Sarbacane ! hurlait David Marsac, pied poussière, bras tête bras tête, devant la poulie élastique d’un jeune auteur qu’il aurait publié avec
extase (en lévitation), tapis clous, s’il s’était fait connaître à lui au lieu de s’égarer aux confins des marges littéraires. Enfin des canalisations qui lâchent !
L’œuvre de Kafka, qui laissa son père se coucher sur lui, aurait-elle pris un autre cours s’il avait connu le divan de Freud, au lieu d’aller mourir à la périphérie
de Vienne ?
Il m’arrive, dans le miroir, de songer à la tête réjouie de Grégoire Samsa au sortir de chez son psychanalyste.
Puis de relire L’anamorphose.
Rabelais, Cervantès, Shakespeare ont fait entrer la littérature dans la vie ; Dostoïevski, Proust, Kafka, la vie dans la littérature. Et vice-versa.
– Comme deux gants repliés l’un dans l’autre, chantait David Marsac, bras écartés sur l’arête du trottoir.
[Exit Freud.]