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De saison en saison, chaque maison d’édition prépare sa collection dans un mouvement fluide coordonné à la demande générale, et met en place sur les étals des
librairies une littérature Full HD, fournie bientôt avec les écrans plats qui feront désormais le bonheur des lecteurs passionnés que nous sommes devenus de romans bien écrits, lisses, à
lire d’une traite, garantis sans gêne oculaire, sans prise sur l’imagination.
En prime : le post-it du libraire.
[Concertons ce hasard.]
Premier mouvement. La littérature numérique préexiste à son support, comme l’essence précède le livre : ligne claire du langage, impératif de la surface lisse
favorisant le flux de la connexion et du récit de vie, continuum sans contenu précis d’auteur ni signe déroutant de littérature.
Deuxième mouvement. Le livre numérique valide ce flux en promettant à des acheteurs des œuvres (harry) potentielles à lire.
Troisième mouvement. Analogique ou numérique, l’enregistrement n’a pas détruit notre désir – ni de musique ni de concert à vivre.
« Son beau catalogue de poésie, engagée par nature, que nous répertorions sur notre site, est soutenu par différents conseils du livre, régionaux, nationaux, et imprimé depuis un certain temps dans les soutes de l’Europe nouvelle. »
– Cela me gêne, se dit David Marsac, déclamant la puissante rhétorique de Serge Pey dans le micro de sa brosse à dent.
« Nous connaissons les avantages de la délocalisation pour y avoir songé aux Doigts dans la prose (Aïe ! Hic !), puis renoncé pour que la littérature échappe à l’immonde traite des livres à l’œuvre dans les meilleures maisons. »
– C’est bien rêvé mais pas malin, se répondit David Marsac, dont les cartons de livres s’accumulaient le long des murs humides de sa salle de bain.