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Revenons à la traduction. Rêvons-en. Comment éviter le double écueil de l’infidélité et du mensonge ? la première à l’égard du texte, le second à l’encontre du lecteur ? Après murges réflexions, l’évidence : la reproduction scrupuleuse du texte à l’identique est la condition et la méthode d’une traduction parfaite. Prenons ce vers déjà cité et comparons les deux versions.
Le texte original d’abord :
« o, częstochowskich rymów jasnogórska potęgo ».
Le texte traduit ensuite :
« o, częstochowskich rymów jasnogórska potęgo ».
La langue d’arrivée, parfaitement identique à la langue de départ, préserve à la fois le mystère et la fidélité linguistique. Ce que le lecteur perd en compréhension lui est rendu en puissance poétique. Le poème ainsi traduit n’est plus prisonnier d’une exactitude approximative suscitant le dépit du lecteur scrupuleux, il est le poème même dont la beauté d’une langue à l’autre est contenue dans la langue même.
Identique à lui-même, un Polonais aura une perception tout autre du résultat. C’est pourquoi les poètes polonais évitent de se traduire en polonais.
En revanche, le locuteur français, lecteur de surcroît (les deux étant parfois inconciliables), considère que tout poème – comme tout polonais – est d’abord d’incompréhension, ensuite d’approches et d’approximations fécondes (la ressemblance des formes invite aussi à la prudence, un Polonais étant de prime abord un Français comme tout le monde). Ainsi Rymów sent la rime à plein nez (inutile de traduire : plein nez est polonais).
De sorte que le lecteur français, locuteur de surcroît, est face à une alternative sans choix : comprendre qu’il n’y a plus rien à comprendre dans un texte littéraire et enfin admirer la langue traduite à l’identique dans le mystère impénétrable du texte original.