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Pourquoi le temps améliorerait-il la qualité des oeuvres ?
Chaque époque est seule devant ses devantures.
Il m’arrive de moins en moins souvent de lire la grande majorité des écrivains contemporains (tout respect à leurs oeuvres et à leurs efforts) pour cette raison principale qu’ils reconduisent souvent les mêmes questions sur la littérature, d’un livre à l’autre, et que les effets de génération finissent par brouiller les voix singulières (de ce point de vue, Echenoz, Bailly, Ravey, Toussaint font masse sans faire voix à part). D’où ces tonalités éditoriales, qui sont à la fois la cohérence et la faiblesse des maisons d’édition. Dans ce contexte, la profusion des oeuvres et des éditeurs multiplie heureusement les possibilités d’émergence de différences notables, minimes, subtiles, – locales parfois – sur les tables des libraires.
L’idéal : Que chaque parution fasse scandale ou débat.
En réalité, je lis de plus en plus les écrivains contemporains situés à la marge des grandes installations éditoriales, où se construisent les dissonances et se réorganisent les affinités. Parmi les plus récents, les plus marquants, que je lis au présent, avec plaisir, et qui me semblent produire des sonorités / tonalités inédites, je retiens : Shoshana Rappaport, Nadia Porcar, Jean-Luc Giribonne, Christophe Manon, Rémy Checchetto, Véronique Gentil, Jean-Marc Pontier, Sylvie Nève, Marc Blanchet – à des dégrés divers d’intérêt et d’intensité.
Ainsi se crée une marjorité d’auteurs occupés à renouveler collectivement et individuellement la littérature du temps présent.
Achetez Paris Match : « Balzac, pilote de course, remporte la compétition ! »
– Non, me disait le gros homme, assis sur la rambarde, un peu après son abandon. Inutile de perdre mon temps dans les compétitions. Je suis un monument de la littérature mondiale. C’est ma fonction. Ma seule présence fouette les vocations. Je maintiens un doute fécond sur la valeur de ce qui se publie. Je suis la ligne du départ et la ligne horizon, j’ensoleille et je fais de l’ombre ; on m’admire autant qu’on me décrie ; on m’imite, on me pastiche. C’est ainsi que je contribue à renouveler le désir d’écrire et le besoin d’y croire.
(Une voiture passe.)
– Mon cher David Marsac, poursuivit le gros homme, entraîné par la nostalgie scolaire. Votre génération est en ébullition, en proie au doute identitaire. Elle se construit ses monuments. Je vois dans l’air des positionnements, des styles, de l’invention, mais pas de quoi durablement faire masse pour le moment.
– Que faire, Balzac, pour stimuler la gestation ?
– Admirer : écrire et publier. Foncer dans la mêlée, une oeuvre de plus aux oeuvres déjà créées, c’est la formule à suivre, ne jamais s’arrêter, rien contrôler, accélérer… Le présent fixe la valeur des oeuvres et pour cela il faut créer, entretenir la profusion, suivre sa pente et ses modèles (quitte à leur rentrer dedans).
– Et quels sont-ils, Ô Master ?
– C’est là où mon pouvoir s’embrouille. Je ne vois pas clairement d’où part votre génération, où elle va. C’est embêtant pour ma réputation, mais très bon
signe pour l’avenir.
Balzac se retira subitement avant l’arrivée des pilotes et la remise du prix, empêtré dans sa robe de chambre, ivre de gaz d’échappement. Et je revins à la maison,
entretenir mes éditions.
Je suis allé sur le circuit prendre le pouls de la situation en longeant les rambardes.
Les pronostics donnaient des noms inscrits sur la ligne du départ où se massaient les écrivains français, regards tendus vers le mouvement de voile du drapeau à damier.
Balzac en piste, coincé dans son cockpit (peut plus entrer, peut plus sortir), aurait aimé s’inscrire une fois de plus dans les annales de la postérité.
(« Silencieuses colères des mécaniques »)
– La mort est sûre, pas d’impatience. Inutile d’y courir dans ces automobiles trop étriquées. Je suis le plus gros de tous les écrivains français. La chose est maintenant prouvée.
Dans 24 heures, chacun saura qui déposer près de sa lampe de chevet.