Roman
L’incompétence des traducteurs se reconnaît à la traduction même : le texte original y est toujours méconnaissable. Les éditions bilingues proposent au moins une illusion d’optique (en louchant vers la page de gauche).
Inutile de jouer la comédie du vraisemblable. Les effets de réel sont mieux réussis quand l’écrivain tire du réel ses personnages. Prenons Éric-Pessan par exemple (ou Claro). Dirait-on pas qu’ils vivent ?
Plus criant de vérité que la vérité même.
Le même est l’ennemi du semblable.
Tout grand roman relève du genre policier. Mais là au moins, l’énigme de son agencement reste entière.
Nous aurons beaucoup fait pour disqualifier les romans réalistes d’aujourd’hui et leurs personnages en proie à des problèmes existentiels toujours plus ressemblants aux nôtres, sans comprendre que ce romanesque pour lecteur perroquet ne prétend pas dire autre chose que ce qu’il dit. Nous avons perdu beaucoup de temps et d’énergie à ignorer ce principe. C’est l’histoire d’un homme qui. Rien d’autre.
(Eh, les gars ! J’exige un procès littéraire !)
En tirant d’un coup sec le tapis du réel dans les décors de la fiction – allez tire –, tu sens comme ta vie change, comme tout devient possible, ton voisin, ta voisine, tu leur casses leur tambour et vlan par terre l’harmonica, bang, crash, sous ton sabot, et surtout tu les baffent pour qu’ils se taisent, c’est pas bientôt fini, et vas-y que je t’en colle une, et s’ils regimbent, tu leur casses leur tirelire, pôv’ gars, n’ont pas un rond dans le cochon, c’est-y pas beau, point d’interrogation, ton voisin tu le nioques, ta voisine tu la niaques, ça lui passera l’envie de se prendre pour la reine des babas au rhum, et tu bâfres et dévores, tu t’en gaves le baba, t’es un loup de fiction, ton désir et ta faim sont inconsolables, et tu rotes, et tu fumes ton clopo, et tu marques ta vie blanche d’une page noire, t’es le roi du carrefour market, et tu pètes, et tu vas me faire le plaisir de lire ça, c’est très-très bien, et tu re-nioques l’harmonica de ta voisine (gaff’ la tirette), et t’es toujours le roi de la pompe à essence, le caribou du self-service, la fiction, tu crois que ça sert à jouer Bartleby, à te farcir des répliques à trois balles, je would prefer ne pas, t’es un poulet de location ou quoi, la fiction c’est du rayon fraîcheur direct de chez viandes et sodas, voir les articles des critiques à tirette, tout un chaque jour te le dira, c’est pas du would prefer ne pas, qu’est-ce qu’il nous gave çui-là, tu crois que la fiction c’est du ne pas, du ne pas quoi, pas nioquer moches et mioches d’à-côté, pas casser tambour gifler casser l’harmonica, pas dire je suis le roi de la Pompe à essence, ah mon cochon, mais si, eh comment, eh voici, eh voilà, par ici, et par là, t’es le champion des 24 heures caddy, pas monsieur Bartleby, la fiction c’est du bolide à l’heure de pointe, de la fidélité avec carte d’abondance, demande à ton libraire, de l’allume-gaz suédois, de l’After-eight et toute l’échelle des gris, du barbecue automatique, c’est posé, c’est grillé, avec des aplats rouges et puis des rayures noires, c’est de la tripe extase, du sang litre par chariot, du kilomère (et kilou père ?), c’est toute la famille réunie pour la photo de la famille réunie pour la photo, c’est jean par-ci et jean par-là, c’est roulis, c’est roulas, c’est mélisse et mets-la, t’en as plein l’œil de l’exotisme coloscopique encore fumant, tiens, mouche ton naze, t’es plein.
Un bon livre, c’est de la rhétorique qu’on prend pour du réel.
Sa pensée est restée dans son emballage plastique ! (La citation, la référence, les protections hygiéniques.) Il ne manque que le prix pour en connaître la valeur marchande.
Vous n’en sortirez pas de cette littérature de premier de la classe, pleine de clins d’œil et de connivence. Les grimaces et grincements sont perdus d’avance. À la place, huile du sens et vaseline interprétative.