WEB
J’ai l’impression que Google Inc. nous tient par les Google nuts. Notre référencement a complètement chuté, pas notre désir d’être une référence. Nous voici donc soumis à un espace d’expression publique contrôlé par deux ou trois entreprises conviviales dédiées à l’épanouissement d’une foule pacifiée de likeurs eux-m’aiment dédiés à l’épanouissement d’une liberté d’expression conviviale.
Bonne nouvelle. Blacklistés par des robots, nous aurons une longueur d’avance dans les discussions qui s’annoncent.
(« Des hommes faits de caillebotte, de yaourt et d’eau ! »)
Les commentaires de vos comptes facebook font d’excellents sirops d’orgeat.
Les blogs ne manquent pas. Les lecteurs, c’est une autre histoire.
Les plateformes d’écriture en ligne font florès. Je lis ici et là qu’elles sont un espace idéal pour les écrivains recalés de l’édition traditionnelle (la sélection, le copinage, la recherche du coup). Les illettrés qui alimentent ces plateformes de leurs écrits légitimes et enthousiastes y voient une perspective. La littérature s’élabore sous le contrôle des lecteurs, eux-mêmes contributeurs. On passe de la tutelle des pères à celle des pairs. Les choix se font à la majorité des voix. C’est du réglo. Le livre sorti du lot est ensuite diffusé par un éditeur, généralement en place, gonflé au numérique. Les écrivains retombent ainsi dans ce qu’ils espéraient quitter. La perspective finit dans le rétroviseur. Les pairs assurent le filtre, le client rapporte son caddie, et seuls quelques auteurs accéderont à la publication. Les autres sont déjà de retour sur la case départ, devant la machine à affranchir les manuscrits.
Pourquoi pas. Je n’ai rien contre la célébrité, les gares, les distributeurs de chips, les voies de garage. Je les trouve socialement utiles. Machins et machines font en douceur œuvre de salut public. Il est rassurant dans une démocratie plus ou moins participative que le médiocre serve la mesure et la soupe commune. L’homme est né libre et égal à lui-même. L’accord se fait sur ce qui plaît au plus grand nombre et ce qui plaît se révèle être globalement bon. L’école, les routes, les hôpitaux plus ou moins surchargés, Vigipirate, France Inter, le vote électronique, les derniers livres de Philippe Annocque.
Tout cela est supportable. Il existera encore longtemps des éditeurs qui renonceront à proposer Stendhal, Joyce, Proust, Schmidt ou Chevillard à la majorité des voix.
La plupart des gens qui lisent et écrivent rêvent moins de publication et de littérature que d’une reconnaissance majoritaire dans laquelle leur existence incertaine a besoin de s’ancrer. La littérature est une extension parmi d’autres du réel numérique en vigueur. Anna Todd l’emporte haut la main sur Ana Tot. Le contraire ferait craindre pour la démocratie. Le désir d’être publié, qui s’exprime dans un grand nombre de blogs aujourd’hui littéraires, se nourrit de ce malentendu sur la création. Comme ici.
« Mais Wattpad me montrait qu’on pouvait écrire sans être écrivain, et donc j’ai eu l’idée de me lancer. »
Avez-vous lu Pierre Girard, un Suisse ?
Comme Dieter Roth, autre Suisse.