900.

Les arbres les prés les bêtes envahissent la ferme et le lierre grimpe sur la façade, plante ses ventouses, descelle les pierres. Les arbres les prés les bêtes le
lierre le vent traversent les pièces grimpent l’escalier couchent dans les lits. Lorsque toutes les issues seront bloquées ou effondrées, ils passeront par le toit crevé et descendront par
l’arbre, arracheront le
plancher, creuseront un tunnel. Mais qui songerait à fuir ?

 

Au fond du jardin la balançoire se traîne dans un lac de feuilles.


 

Perrine Le Querrec, Le Plancher (à paraître)

899.

Le Plancher dans notre maison.

LE-PLANCHER_LDDP_LIVRE_vignette

837.

Je suis Paule au matin dans la maison froide et humide et puante
Je suis Paule la Silencieuse
Je m’habille de laine d’automne élimée, j’ajoute la veste kaki qui était au père et qui pèse lourd sur ma robe, enfonce mes pieds dans les sabots de ma mère, ouvre la porte et sors
L’air glacé arrache mes vêtements
Je suis Paule nue debout, je repasse la porte, retourne dans la maison, j’enfile le pull épais et rouge à l’odeur d’étable, le pantalon que la corde serre, le châle troué, ouvre la porte et
sors
Je me cogne à la brume vicieuse qui ajoute son épais sur mes épaules
Je suis Paule voûtée, je repasse la porte, entre dans la maison, chausse les souliers d’Alexandre le Pendu, protège ma tête du bonnet rayé, enfile les gants citron aux doigts troués, m’arme d’un
parapluie et alors
Je suis Paule l’Invincible, je franchis le seuil, la première marche, referme la porte
De loin la silhouette de mon frère, le soleil qui se lève sur le canon du fusil dans la saignée de son bras.

 

Perrine Le Querrec, Le Plancher, à paraître en mars 2013 aux Doigts dans la prose